Les confins du droit civil et du droit pénal: l’avortement et les droits de l’enfant conçu

RÉSUMÉ

L’arrt Tremblay c. Daigle a oblig6 la Cour supreme du Canada a s’interroger sur le statut de l’enfant conçu en droit civil. Sa motivation a 6t6 critique pour des motifs À la fois historiques et juridiques. L’auteur tente de montrer que la solution retenue par la Cour est cependant justifiée. Par le passe, Ia reconnaissance de droits h 1’enfant conqu et l’interdiction de ‘avortement ont toujours constitu6 des questions distinctes. La premiere relève du droit priv6, tandis que la seconde appartient au droit pénal. De nos jours, les droits reconnus l ‘enfant conçu ne sont pas destinds t re exercs pendant la grossesse, sauf s’il est n6cessaire de prendre une mesure conservatoire. Cette possibilité n’a jamais été interprétée comme permettant d’imposer une ligne de conduite A la femme enceinte. En outre, les textes prot6geant les droits fondamentaux ainsi que les r;gles du droit civil permettent à la femme de se faire avorter pour protéger sa santé physique ou psychologique. De plus, il n’est plus possible d’affirmer que l’avortement est contraire à l’ordre public. Finalement, l’injonction d6livrée par la Cour supérieure aurait obligée Chantal Daigle à accoucher ou à subir une fausse couche, ce qui va l’encontre des principes applicables à ce recours. Elle aurait exposé les femmes enceintes a une condamnation pour outrage au tribunal, cc qui aurait eu pour effet d’interdire l’avortement sous peine de sanction pénale. Ce résultat est inacceptable du point de vue constitutionnel, car cette question rel~ve de Ia competence exclusive du Parlement fédéral sur le droit criminel proprement dit.

ABSTRACT

In Tremblay v. Daigle, the Supreme Court of Canada was called to examine the status of the unborn child under the Civil Law. Its reasons for judgment were criticized on historical as well as legal grounds. Nevertheless, the author argues that the correct result was reached. In the past, the recognition of the unborn child’s rights and the prohibition of abortion were always considered to be two separate questions. The former was answered by private-law rules, whereas the latter came under the ambit of the criminal law. Nowadays, the Civil Law does not provide for the immediate exercise of the rights of the unborn child, except when conservatory measures must be taken. This last possibility has never been construed as forcing a pregnant woman to conduct herself in a certain way. Moreover, human-rights legislation and civil-law principles authorize a woman to undergo an abortion in order to protect her physical or psychological health. It is no longer possible to maintain that abortion is contrary to public policy. Furthermore, the injunction granted against Chantal Daigle would have forced her to give birth or suffer a miscarriage. This result cannot be sustained under the rules governing this remedy. Women would risk being found in contempt of court. Therefore the prohibition of abortion would be backed by the threat of a fine or imprisonment. This would be unacceptable from a constitutional perspective, since Parliament has exclusive jurisdiction over the criminal law.

Ce contenu a été mis à jour le 12/05/2016 à 16 h 32 min.