Entre l’oralité et l’écriture: les opinions des juges et la jurisprudence publiée au Québec, 1764-1867

RÉSUMÉ

Au Québec, deux types de motivation des jugements coexistent depuis la Conquête: les allocutions plus ou moins improvisées prononcées par des juges et les dissertations fouillées lues lors du prononcé du jugement. Ces opinions ne doivent pas être confondues avec les motifs inscrits dans les registres de la cour. En France, antérieurement à 1790, les arrêts des cours d’appel françaises ne fournissent pas le raisonnement des juges. Les éditeurs de recueils doivent déduire les motifs des procédures, des mémoires et des débats confidentiels tenus pendant le délibéré. Les arrêts du Conseil souverain de la Nouvelle-France semblent mieux motivés, tout comme les décisions de l’Intendant. En Angleterre, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, de nombreux manuscrits contiennent la transcription des discours prononcés lorsque le jugement a été rendu. Ils font concurrence aux versions publiées. Au Québec, après la Conquête, en l’absence de recueils, la diffusion de l’information au sein de la communauté juridique est informelle. Dans la première moitié du XIXe siècle, les premiers recueils publiés ne répondent pas aux besoins des praticiens. De 1851 à 1867, une subvention gouvernementale assure la publication régulière d’un recueil qui voit un concurrent sérieux apparaître en 1857. Ces publications permettent de constater qu’un grand nombre d’opinions publiées à cette époque ont un caractère oral qui n’a jamais totalement disparu de notre système judiciaire.

ABSTRACT

Two kinds of reasons for judgments have coexisted in Quebec since the Conquest: judges’ speeches that were more or less improvised, and scholarly dissertations that were read when the judgment was rendered. These opinions should not be confused with the motives that appear in register of the court. In France, prior to 1790, judgments of appellate courts did not provide the reasoning of the judges. Editors of law reports had to deduce the motives from the proceedings, the factums, and the confidential discussions held during the deliberation. Judgments of the Sovereign Council of New France and of the Intendant appear to have provided a better motivation. In England, until the end of the 18th century, numerous manuscripts contained transcriptions of speeches delivered when a judgment was rendered; they provided an attractive alternative to law reports. In Quebec, following the Conquest, in the absence of law reports, information was disseminated informally in the legal community. During the first half of the 19th century, the first law reports did not respond to the needs of practitioners. From 1851 to 1867, the publication of a report on a regular basis was made possible by a governmental subsidy. This report began to face serious competition in 1857. These publications reveal that many of the opinions published at that time have an oral character which has never completely disappeared from our judicial system.

Ce contenu a été mis à jour le 17/01/2022 à 12 h 19 min.