Manger avec la même micoine dans la même gamelle : à propos des traités conclus au Québec avec les Amérindiens (1665-1760)
« Manger avec la même micoine dans la même gamelle : à propos des traités conclus au Québec avec les Amérindiens (1665-1760) » dans Yvon LEGALL, Dominique GAURIER et Pierre-Yannick LEGAL (dir.), Du droit du travail aux droits de l’humanité, Études offertes à Philippe-Jean Hesse, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 385-407 ou (2003) 33 R.G.D. 93-129
RESUME
En Nouvelle-France, les peuples autochtones qualifient souvent de frères les nations avec lesquelles ils entretiennent des relations pacifiques. Les Haudenosaunees affirment d’ailleurs qu’ils utiliseront un même récipient et un même ustensile lorsqu’ils rencontreront des alliés au cours d’expéditions de chasseindiquant ainsi qu’ils acceptent de mettre en commun leurs territoires. Pour leur part, les Français souhaitent entretenir des relations pacifiques et développer un partenariat commercial avec les Autochtones. Si la couronne se réserve le droit de concéder des terres à ses sujets, elle prévoit également la conclusion de traités avec les Amérindiens. Ces ententes doivent être respectées par ses représentants; elles peuvent servir de fondement aux revendications territoriales dirigées contre d’autres puissances européennes. Les traités conclus en 1665 et en 1701 avec les Haudenosaunees et les autres alliés des Français s’inscrivent dans cette perspective. Ils reprennent l’image de la relation fraternelle ou du plat commun. Puis, en 1760, les Britanniques font la paix avec les domiciliés de la vallée du Saint-Laurent. Ils s’engagent alors à respecter leurs territoires. Au XIXe siècle, ils renient cette promesse, alors même que la chasse ne suffit plus aux besoins des Premières Nations. Dès lors, le système de coexistence harmonieuse mis en place antérieurement montre ses limites. Les Autochtones continuent néanmoins de faire appel à l’image du récipient commun pour protester contre la mise en péril de leurs activités traditionnelles, prouvant ainsi l’efficacité de leur tradition orale.
ABSTRACT
Aboriginal Peoples of New France often called « brothers » those Nations with whom they entertained peaceful relationships. The Haudenosaunees said that they would use the same recipient and the same utensil upon encountering members of an allied nation during a hunting expedition; , this indicated that they would put their hunting grounds in common. For their part, the French wanted to maintain peaceful relationships with Aboriginal Peoples and to establish a commercial association with them. Although the Crown reserved to itself the right to grant lands to its subjects, it also authorized the making of treaties with the Amerindians. Its representatives were instructed to respect these agreements, which could also form the basis of territorial claims against other European powers. The treaties entered into in 1665 and 1701 between the Haudenosaunees and other allies of the French reflect this perspective. They refer to a brotherly relationship and to a common dish. Later on, in 1760, the British agreed to make peace with the Aboriginal peoples domiciled in the Saint-Lawrence Valley and undertook to respect their territories. But during the nineteenth century, they reneged on this promise, at a time when First Nations could no longer meet their needs through hunting. From then on, the system of harmonious coexistence established previously showed its limits. Nonetheless, Aboriginal Peoples continued to refer to the image of a common dish to protest against the imperilling of their traditional activities, thus proving the efficacy of their oral tradition.
Ce contenu a été mis à jour le 12/05/2016 à 16 h 35 min.