La protection accordée au fournisseur de matériaux sous l’ancien et le nouveau Code

Résumé

 

Cette étude porte sur les différents recours que peut exercer le fournisseur de matériaux. Les règles générales applicables lorsqu’un objet mobilier est placé ou intégré dans un immeuble sont d’abord rappelées. Cette toile de fond permet d’étudier les recours propres au fournisseur de matériaux. Son droit de revendication, qui est opposable aux tiers, ressemble davantage au recours exercé par un vendeur à tempérament qu’à celui dont jouit un vendeur ordinaire. Cependant, si les matériaux sont fabriqués sur mesure, ce recours n’est d’aucune utilité. Après la livraison de tels matériaux, il est possible de soutenir qu’ils sont devenus immeubles par anticipation. Si tel est le cas, le fournisseur a droit au privilège de l’article 2013e C.c.B.-C Toutefois, si l’immeuble pour lequel les matériaux ont été préparés est vendu en justice sans qu’il y ait eu livraison, il n’est pas possible de vendre l’immeuble et les matériaux ensemble.

 

Si l’on interprète l’article 2013e C.cB.-C. à la lumière de ces principes, il faut conclure que le fournisseur dont les matériaux n’ont pas été livrés ne peut exercer les droits découlant du privilège. Par contre, les matériaux livrés et employés mais remplacés par ceux d’un concurrent donnent droit à un tel privilège. En effet, l’entrepreneuse ou le propriétaire ont eu connaissance de cette manœuvre déloyale.

 

La situation sera modifiée par le Code civil du Québec. Le fournisseur ne bénéficiera plus d’un droit de revendication particulier; dans la plupart des cas, le droit de revendication d’un vendeur ordinaire sera cependant opposable aux tiers. L’hypothèque légale pourra être obtenue dès la préparation des matériaux. Le fournisseur n’aura pas à prouver que son activité a augmenté la valeur de l’immeuble; il pourra être payé à même la plus-value globale résultant des travaux de construction. Cette solution est problématique mais semble inévitable dans l’état actuel des textes.

 

 

Abstract

 

This paper examines the different remedies which are made available to a supplier of materials. It begins with a review of the general rules that come into play when a moveable object is placed on or is part of an immoveable property. Thereafter, the specific remedies of the supplier are discussed. His right to revendicate resembles the seller’s right under a conditional sale, since it can be successfully opposed to third parties. However, this right is useless when materials are made according to unique specifications. Once these materials have been delivered, one could contend that they have become immoveable by anticipation. If such is the case, the supplier will be entitled to the privilege of section 2013e C.C.L.C. However, if the property is sold at a sheriff’s sale while the materials remain in the supplier possession, it is not possible to sell them with the immoveable.

 

If these rules are used in the construction of section 2013e C.C.L.C., one must conclude that when no delivery has taken place, the supplier cannot take advantage of the privilege, since no additional value has been given to the immoveable. However, the supplier’s claim will be protected if his materials have been delivered but were subsequently replaced by those of a competitor. In such a case, the owner or the contractor was aware of the situation.

 

The new Civil Code of Québec will modify these rules. The supplier’s specific right to revendicate will disappear, but in most cases, the ordinary seller’s right will be preferred to third parties. A supplier who has simply prepared building materials will be entitled to a legal hypothec. She will not be required to prove that her work increased the immoveable’s value; her claim will be paid with the monies representing the total value added to the immoveable by the construction project. This result creates many problems, but it seems inescapable given the new formulation of the Code.

Ce contenu a été mis à jour le 12/05/2016 à 16 h 31 min.